Bonjour et bienvenue dans ce 3ème épisode dans lequel je vais vous parler aujourd’hui des particularités sensorielles chez une personne présentant des troubles du spectre autistique.
Il y a beaucoup de choses à dire, donc j’ai prévu deux épisodes à ce sujet.
Dans cet épisode, je vais surtout vous parler de tous les troubles sensoriels dont peut-être dotée une personne autiste, et dans le suivant je vous parlerai des solutions que nous pouvons mettre en place pour lui venir en aide.

Pourquoi il est important d’évoquer les particularités sensorielles ? Parce que, le plus difficile à supporter en tant que parents, est que beaucoup de comportements d’un enfant autiste semblent n’avoir ni de sens, ni de fonction. On ne comprend pas ce qu’il se passe parce que ces comportements sont atypiques et peuvent nous sembler surréalistes. Mais une fois qu’on a compris la cause de ces comportements, ceux-ci deviennent beaucoup plus faciles à accepter et à gérer.
Et ces causes découlent souvent des particularités sensorielles de l’individu.

Pour commencer, parlons des différents sens que nous avons tous. Communément, il y en a 5 que tout le monde connaît : la vue, l’ouïe, le goût, le toucher et l’odorat. Il en existe deux autres dont on parle moins mais qui sont aussi très importants : il s’agit du système vestibulaire et du système proprioceptif. Je reviendrais sur ces deux sens un peu plus tard.

A quoi nous servent les sens ?

  • Ils nous permettent d’appréhender l’environnement.
  • Les sensations que nous ressentons peuvent se transformer en émotions et en représentations. D’ailleurs, le philosophe français Etienne Bonnet Condillac affirme que le jugement, la réflexion et la compréhension prennent naissance dans les sensations.
  • Chez un enfant, les sens lui permettent de connaître son corps et ainsi d’entrer en relation avec son environnement.
    Donc, tout ce que nous connaissons du monde et de nous-mêmes nous vient de nos sens. Toute notre connaissance est le résultat de ce que nous avons vu, entendu, senti, goûté…

Comment fonctionnent les sens ?

Ce sont les organes des sens comme les yeux, la peau, les oreilles qui transforment les stimuli sensoriels tels que la lumière, les sons, les odeurs, en messages nerveux électriques et chimiques. Ces messages sont ensuite identifiés, assemblés et interprétés par le cerveau. La plupart des informations (excepté l’odorat) passent par le thalamus et sont ensuite traités dans l’hémisphère opposé du cortex.
Quand on pense que l’autisme est causée par des connexions différentes dans le cerveau, on peut aisément imaginer que le cerveau d’une personne autiste interprète différemment les stimuli sensoriels, par rapport au cerveau d’une personne neurotypique. On va alors parler de troubles sensoriels.

Quels sont ces troubles sensoriels ?

Un personne avec autisme peut présenter :
– Une hypersensibilité et/ou une hyposensibilité sensorielle. Quand on parle d’hyper, cela veut dire que le canal du sens en question est trop ouvert. Et donc trop de stimulations arrivent au cerveau et ne peuvent être traitées en même temps. L’hypo est l’inverse, c’est à dire que le canal n’est pas assez ouvert et donc la personne va manquer de stimulations puisque le cerveau en est privé.
Ces particularités hypo ou hyper vont générer des perturbations occasionnées par certains stimuli, ou à l’inverse des fascinations occasionnées par ces mêmes stimuli. Un exemple tout simple, un hypersensible auditif va fuir tous les bruits et les sons qu’il entend en se bouchant les oreilles, alors qu’un hyposensible va au contraire rechercher les bruits et peut par conséquent émettre des bruits très forts à longueur de journée.
Il faut aussi savoir que chez une même personne et pour un même sens, il peut y avoir des fluctuations entre hyper et hyposensibilité. Chez Ouistico, nous avons remarqué que pour le sens du toucher, il pouvait être hyper ou hypo selon le canal de perception. Par exemple, il n’aime pas certaines textures d’aliments ce qui est plutôt caractéristique d’un hyper. En revanche, il aime les câlins très serrés et est très brutal avec son corps, ce qui est plutôt caractéristique d’un hypo.
– Ces troubles sensoriels peuvent aussi causer une perception différente de l’environnement. Cette perception peut être fragmentée, c’est à dire que la personne ne va pas réussir à percevoir son environnement de manière générale et ne va pouvoir se concentrer que sur certains éléments. Avez-vous déjà remarqué qu’une personne autiste semble vous regarder dans les yeux, mais qu’en réalité elle regarde votre nez ou votre joue ? C’est tout simplement parce que son cerveau n’a pas la capacité de percevoir votre visage entièrement. Entre vos yeux, vos lèvres qui bougent et vos mimiques, il y a trop d’informations sensoriels pour que le cerveau arrive à tous les interpréter. Le contraire est aussi vrai. Si la personne est hyposensible visuellement, elle va avoir tendance à fixer intensément les gens ou les objets pour se nourrir sensoriellement.
Donc une personne avec une perception fragmentée va par exemple porter son attention sur des détails mineurs de son environnement au lieu de la scène entière. Quand vous lui parlez, elle ne peut aussi entendre que quelques mots et donc percevoir votre phrase de manière incomplète. Elle peut se plaindre de certaines parties de ses vêtements, de certaines odeurs, de certains morceaux d’aliments, etc. Elle peut aussi se perdre facilement, ne pas réussir à se repérer.
– Parmi ces perceptions différentes, il y a aussi la perception déformée. Ici, c’est la perception des formes, des couleurs, de l’espace, du son qui peut se déformer. Par exemple, l’espace peut sembler se dilater, ou au contraire, rétrécir. Une personne autiste dont la perception est déformée peut voir le monde en deux dimensions. Et ces déformations peuvent empirer en cas de surexcitation et de surcharge d’informations.
Souvent, ces perceptions déformées sont liés à des troubles au niveau vestibulaire et proprioceptif. Par exemple, un comportement très caractéristique d’un enfant autiste, est de tournoyer sur lui-même sans jamais se sentir étourdis, ce qui peut-être très surprenant, croyez-moi ! Ouistico lui est capable de tourner sur lui-même pendant 10 minutes sans s’arrêter. C’est très impressionnant ! Mais en fait, ce type d’activité l’aide tout simplement à normaliser sa perception et son système vestibulaire.
Donc une personne avec une perception déformée peut avoir peur par exemple des escaliers, de marcher sur un chemin en pente. Elle peut avoir des difficultés à rattraper un ballon. Elle peut avoir des gestes répétitifs compulsifs, des problèmes de prononciation, se frapper les yeux, les oreilles ou le nez. Elle peut avoir des difficultés à faire du vélo ou à sauter.
– Parmi les troubles sensoriels liés à la perception, il y a aussi la perception différée. C’est à dire que le délai du traitement de l’information peut être beaucoup plus long que la normale. D’ailleurs, chaque sens peut être affecté par cette perception différée. Cela vient du fait que lorsqu’une personne autiste reçoit une information, elle doit d’abord la traduire selon ses propres caractéristiques pour pouvoir la comprendre. Et donc à cause de ce traitement d’information, les personnes autistes ont besoin de plus de temps pour réussir à traiter une question et à donner une réponse. Le plus compliqué à gérer pour nous en tant que parent ou aidant, est que si pensant ce temps de traitement nous venons interrompre par une autre question ou un autre stimuli, la personne doit tout recommencer à nouveau.
Donc une personne avec une perception différée va avoir tendance à répondre aux différents stimuli avec du retard. Elle peut fonctionner par écholalie et avoir une voix monotone ou au contraire haut perchée. Ce sont des personnes qui ont généralement des difficultés dans les activités sportives à cause du temps de réaction qui est beaucoup plus long.

Les 7 sens

L’odorat

Faisons maintenant un petit tour d’horizon de nos 7 sens et des troubles associés en commençant par l’odorat. Ce sens est le premier canal sensoriel fonctionnant chez le bébé. Il joue également un rôle très important dans la détection des différents goûts.
Une personne hypersensible va fuir certains endroits ou personnes à cause de leurs odeurs, peut détecter les odeurs très facilement, peut refuser certains aliments à cause de leur odeur et peut même avoir jusqu’à des haut-le-coeur même sur des odeurs banales.
A contrario, une personne hyposensible va rechercher des odeurs fortes, aime se sentir, sentir les objets et les gens et peut avoir tendance à se lécher les mains pour les sentir ensuite et peut même aller jusqu’à jouer avec ses selles.

Le goût

Passons au sens du goût dont les récepteurs se situent sur la langue, à l’intérieur des joues, sur le palais et dans la gorge.
Une personne hypersensible peut ne pas aimer les aliments qui ont un goût prononcé et utiliser des sauces ou des condiments qui donnent le même goût à tout. C’est par exemple le cas de Ouistico qui nous réclame du parmesan dans tous les plats pour en cacher le goût. Un hyper peut aussi ressentir des douleurs avec certaines textures d’aliments et ne pas aimer les mélanges d’aliments. Ce sont généralement des personnes très sélectives, qui mangent peu, et qui d’ailleurs n’éprouvent aucun plaisir à manger. Des fois on a l’impression que si Ouistico pouvait se passer de manger, il le ferait !
Une personne hyposensible va au contraire vouloir tout mettre sans sa bouche jusqu’à parfois manger ce qui n’est pas comestible. On va alors parler du syndrôme de Pica. Elle peut mettre à la bouche n’importe quoi et lécher tous les objets. Ce sont aussi des personnes qui aiment les aliments au goût très prononcés.

La vue

Passons maintenant à la vue dont les organes sensoriels sont les yeux.
Un hypersensible peut être extrêmement gêné par des stimuli visuels tels que des objets mobiles, des rayons lumineux, le scintillement des néons. Il peut ne pas aimer certaines couleurs trop vives comme le jaune par exemple. Il peut aussi ne pas aimer les endroits très sombres, ni la lumière très vive. Ce sont des personnes qui ont tendance à regarder vers le bas et à se couvrir les yeux.
Un hyposensible, quant à lui, va être attiré par les sources lumineuses et peut se fasciner par les miroirs, les surfaces brillantes, le contour des objets, etc. Ce sont généralement des personnes qui regardent intensément les gens et les objets.

L’ouïe

Après la vision, nous avons l’ouïe dont les organes sensoriels sont les oreilles.
Un hypersensible auditif va être gêné par toutes sortes de bruits, même ceux très faibles comme le grésillement d’un néon par exemple. Il va détester les endroits bruyants et avoir tendance à poser tout le temps ses mains sur ses oreilles. Ce sont des personnes qui ont tendance à peu dormir et avoir un sommeil léger, qui n’aiment pas qu’on leur coupe les cheveux à cause du bruit des ciseaux et qui font émettre des bruits répétitifs pour bloquer les autres sons. Les bruits peuvent même être très douloureux pour une personne autiste. Une fois Ouistico nous a raconté que quand il y a trop de bruits autour de lui, son cerveau s’éparpillait dans sa tête. C’est pour dire à quel point cela peut leur faire mal.
Une personne hyposensible au bruit va au contraire rechercher les sons forts et répétitifs. Ce sont des personnes qui vont parler fort, qui vont aimer entendre des vibrations, qui vont taper sur les portes, les objets, et qui aiment se retrouver dans des endroits très bruyants.

Le toucher

Passons maintenant au sens du toucher. C’est un sens très important dans la réception des informations concernant l’environnement. Son organe est la peau qui est dotée de cinq différents types de récepteurs tactiles : le toucher léger, la pression, la douleur, le chaud et le froid. Et donc ces différents types de récepteurs répondent à différentes types de stimuli. Par ces différents types de récepteurs, une personne peut être à la fois hypo et hyper.
Une personne hypersensible peut détester l’eau, ne pas aimer se salir, ne pas aimer quand on l’essuie ou quand on la coiffe, ne pas supporter certaines textures de vêtements. Un simple effleurement peut être très douloureux pour elle.
Un hyposensible lui va plutôt rechercher les contacts physiques intenses, vouloir se coller aux autres, aimer les câlins très serrés, les jeux brutaux. Ce sont des personnes qui ont aussi tendance à se faire mal, à se mordre ou à se taper.

Le système vestibulaire

Voilà pour les 5 sens que nous connaissons tous. Je vais maintenant vous parler du système vestibulaire. C’est le sens de l’équilibre et de la gravité dont les organes sont situés dans l’oreille interne. Ils transmettent au cerveau des messages concernant les mouvements et les changements de position de la tête. Il est donc à la base de l’équilibre.
Une personne hypersensible va avoir peur de toutes les activités impliquant du mouvement : les balançoires, les manèges, marcher sur des surfaces instables. Ce sont des personnes qui préfèrent les activités sédentaires, fuient les lieux bondés par peur d’être bousculé et n’aiment pas avoir la tête en bas.
Un hyposensible va au contraire rechercher des sensations fortes et va aimer les balançoires et les manèges. Ce sont des personnes qui sont toujours en mouvement, aiment tournoyer et courir et ont tendance à se balancer d’avant en arrière.

Le système proprioceptif

Pour finir sur les sens, parlons du sens proprioceptif. C’est le système qui reçoit les informations en contractant et détendant les muscles, et en réfléchissant et comprimant les articulations. On l’appelle aussi le sens kinesthésique. C’est lui qui nous rend conscient de la position de notre corps à travers les récepteurs des muscles, des tendons et des articulations.
Un hypersensible va avoir des difficultés avec les changements de température et aussi à manier des petits objets tels que des boutons par exemple. Ses mouvements peuvent manquer d’amplitude et il a tendance à placer son corps dans d’étranges positions.
Un hyposensible, quant à lui, va plutôt avoir un faible tonus musculaire et manquer de force dans ses mains. Il peut se cogner souvent dans les gens ou les objets, et avoir tendance à tomber et à trébucher. Ce sont aussi des personnes qui ne sont pas conscientes des sensations de leur corps et donc ne pas ressentir la faim ou l’envie d’aller aux toilettes. Ils aiment aussi souvent se mettre dans des endroits très étroits, se sentir serrés, et qu’on les masse avec de fortes pressions.

Et nous en avons terminé pour aujourd’hui ! Ca fait pas mal d’informations à assimiler donc je vais m’arrêter là. Dans le prochain épisode nous continuerons sur le même sujet et je vous parlerai des conséquences que peuvent avoir les troubles sensoriels chez un enfant autiste et quelles aides nous pouvons leur apporter.

Je tiens à préciser que toutes les informations que je vous donne sont issues de livres que j’ai lu et des formations que j’ai faites sur l’autisme. Je ne suis en rien une spécialiste, juste une maman qui a souhaité en apprendre un maximum sur ce sujet, étant donné que Ouistico présente beaucoup de troubles sensoriels. J’avais donc besoin de comprendre ces troubles pour pouvoir comprendre son comportement et l’aider au mieux. Voyez-vous, Ouistico présente des caractéristiques dans chaque perception différente : la fragmentée, la déformée et la différée. Pour chaque sens, il est soit hypo, soit hyper, ou même les deux. Ce qui peut rendre le quotidien compliqué si nous n’adaptons pas son environnement un minimum. Un livre super que je peux vous conseiller et dont j’ai pris pas mal d’informations dedans est « Questions sensorielles et perceptives dans l’Autisme et le Syndrome Asperger » d’Olga Bogdashina. Ce livre est vraiment une mine d’informations et si vous aussi êtes concernés par ce sujet, il peut vraiment vous apporter pleins de réponses. Je vous mettrai les références en commentaire de ce podcast.

N’hésitez surtout pas à m’écrire ou à poster un commentaire si vous avez des questions ou souhaitez partager votre expérience. J’y répondrai avec plaisir ! Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode !